Cet article s’intéresse à la position adoptée par Jacques Maritain face à ceux qui, durant la guerre civile espagnole, affirmaient que les nationalistes menaient une « guerre sainte » pour défendre le catholicisme en Espagne. La critique qu’il faisait de cette idée selon laquelle il s’agissait d’une guerre sainte s’articulait en deux parties. D’une part, il expliquait comment les méthodes violentes utilisées par les nationalistes étaient totalement à l’opposé d’actions que l’on pourrait qualifier de « sacrées » — de fait, parler d’une « guerre sainte » dans ce contexte était un oxymore inacceptable —, d’autre part, en se plaçant dans la perspective d’une philosophie de l’histoire, Maritain déclarait que, si l’idée de guerre sainte pouvait avoir eu un fondement dans la conception « sacrale » du temporel qui prévalait au Moyen Âge en Europe, et dans la conception « séculaire » du temporel caractéristique de la modernité européenne, cette idée n’avait plus aucun fondement aujourd’hui. C’est pourquoi, parler de « guerre sainte » dans le contexte espagnol des années 1930 se révélait être un dangereux anachronisme qui devait donc être considéré comme dénué de fondement dans un discours chrétien.
Cela fera bientôt quatre-vingts ans que débuta la guerre civile espagnole, en juillet 1936. Exceptions faites des Espagnols et des historiens de la période, elle est aujourd’hui largement oubliée. Pourtant ce conflit, au cours duquel 500 000 personnes environ trouvèrent la mort et à peu près le même nombre durent quitter leur lieu d’habitation, mérite à tous égards notre attention. Cette guerre fut la dernière dans laquelle les catholiques s’engagèrent activement et en masse pour des raisons religieuses. Ils comptaient dans leurs rangs non seulement les chefs de l’insurrection militaire, mais aussi les membres bien établis de la hiérarchie ecclésiastique, qui promouvaient l’idée que les rebelles nationalistes menaient une « guerre sainte ».