La réapparition de l’antithomisme au XIXe siècle est exactement contemporaine du renouveau thomiste. Elle se produisit même au sein du mouvement scolastique, comme en témoigne le jésuite H. Ramière, farouche adversaire des philosophies modernes mais qui pensait devoir corriger saint Thomas à la lumière des sciences contemporaines, quitte à sacrifier le principe de l’unicité de la forme substantielle. Derrière ce propos typiquement concordiste de Ramière, gît en fait une occultation du degré proprement métaphysique de la doctrine thomiste, comme le lui exposa fermement le séculier H. Sauvé, figure notoire du renouveau thomiste français sous le pontificat de Pie IX.
L’antithomisme est une réalité essentiellement relative, évolutive et ambiguë. Relatif, il l’est par rapport au thomisme, qui fait exister l’antithomisme par relation d’opposition. Évolutif, il l’est tout comme le thomisme lui-même, qui n’a cessé de se diversifier au fil des siècles. Ambigu, il rassemble aussi bien les adversaires de la doctrine même de saint Thomas que les adversaires de ceux qui se prétendent disciples de saint Thomas, les antithomistes en appelant souvent des disciples réputés infidèles, par exemple les « néo-thomistes », à la pensée génuine, ou au moins à l’esprit du maître trahi par ses héritiers.