Prédestination, grâce et libre arbitre, tentative de synthèse personnelle (I)

Basile Valuet o.s.b.
5,00 € l'unité
2019 - Fascicule n°1 2019 - Tome CXIX
1800
67 - 90
Article
Grâce, Prédestination, libre arbitre

Résumé

L’A. cherche ici à recueillir le meilleur de la position de saint Thomas, à en discerner les limites et à proposer quelques explicitations ou améliorations. La volonté divine permissive rend possible le mal moral, mais celui-ci ne s’ensuit pas nécessairement. Lorsque saint Thomas affirme que rien ne résiste à la volonté de Dieu à propos d’un effet donné ayant lieu à un instant du temps, cela vaut seulement de la volonté conséquente, laquelle tient compte de tout ce qui aura eu lieu avant cet instant. Donc la volonté de donner la grâce efficace tient compte de la non-résistance antérieure de l’homme à la grâce suffisante, et la volonté de donner la gloire à tel instant tient compte de la vie antérieure de mérite. Ce n’est pas de volonté antécédente que Dieu veut, indépendamment de toute considération des démérites, qu’il y ait des hommes à punir pour que sa justice soit manifestée. Ce n’est pas pour avoir des hommes à damner que Dieu a permis leur péché. Si l’acte de prédestiner, et l’ensemble de ses effets sont indépendants des actes des hommes, en revanche, la prédestination à un don précis tient compte de la prescience d’actes humains antérieurs à ce don. Le plan général du salut d’une personne use d’une série de moyens faillibles pour arriver à sa fin. L’esse communiqué par Dieu à l’effet de la cause seconde à travers celle-ci même est contracté par l’essentia (soit naturelle, soit intentionnelle) de la cause seconde. De ce fait, parmi les prémotions, seules les prémotions morales proposent comme objet de choix une spécification, et ce, de manière faillible, tandis que les prémotions physiques fournissent seulement le passage de la puissance à l’acte de délibérer et de choisir, c’est-à-dire l’exercice, et ce, éventuellement de manière infaillible. La grâce-motion n’est pas autre chose que le mouvement même de l’âme. Si Dieu est en train de mouvoir la volonté créée à l’exercice de tel choix, il est incompatible avec cette hypothèse que la liberté créée ne soit pas en train d’exercer ce choix-là, mais cela n’entraîne nullement que sous la même motion efficiente de Dieu à l’exercice du choix à propos de la même spécification, le choix n’aurait pas pu être autre.

Extrait

Nos trois précédents articles exposaient l’enseignement de saint Thomas. Il nous reste, dans le présent dernier article, d’abord, à synthétiser l’essentiel en quelques propositions formant un bouquet doctrinal, dont nous prendrons occasion pour dissiper quelques malentendus (A) ; ensuite, à mentionner quelques limites remarquées au passage lors de la lecture du Docteur commun (B) ; et enfin, à suggérer quelques pistes personnelles permettant de surmonter, nous l’espérons, les difficultés rencontrées (C).

A. — Cueillette d’un bouquet doctrinal et dissipation de malentendus

Comme précédemment, nous examinerons les problèmes en cause d’abord dans le plan divin (1), ensuite dans sa réalisation (2). Et sur chaque aspect, nous suivrons le même ordre que dans les développements antérieurs.