La pensée et l’activité scientifiques du philosophe italien Cornelio Fabro (1911-1995) sont encore mal connues en France. Cet article tâche d’introduire le lecteur aux oeuvres de jeunesse de Fabro ; il étudie le début de ses recherches, dans les années 1938-1958, et analyse le lien étroit que ces premiers écrits eurent avec le projet néo-scolastique de l’Institut supérieur de philosophie de l’Université de Louvain. Les travaux dans le domaine de la psychologie de la perception et de la phénoménologie eurent une grande importance sur l’évolution de sa pensée et, notamment, sur l’interprétation de l’ontologie du Docteur angélique mise en rapport avec la phénoménologie heideggerienne. En ce sens, cet article constitue également l’étude d'un cas de figure du rapport entre phénoménologie et ontologie qui, par sa valeur intrinsèque, mérite encore notre attention.
La phénoménologie est parfois créditée d’avoir ouvert une nouvelle voie d’accès à l’ontologie. On se souvient, à ce propos, de la thèse formulée par Martin Heidegger au début d’Être et Temps (1927) : « L’ontologie n’est désormais possible qu’en tant que phénoménologie ». Dans les pages qui suivent, on tâchera de montrer une autre facette de cette « histoire de l’ontologie », à savoir comment, dans la première moitié du XXe siècle, l’École néo-scolastique s’est appliquée à tirer profit des recherches menées tant par la psychologie de la forme (Gestaltpsychologie) que par la toute récente phénoménologie, et ceci en allant bien au-delà de la version husserlienne du mouvement phénoménologique. Les recherches de l’italien Cornelio Fabro sont, de ce point de vue, fort significatives.