Objet de vives controverses au XXe siècle, la conception qu’a saint Thomas d’Aquin du meilleur régime est l’un des lieux importants de sa penséepolitique. La redécouverte et l’assimilation de la Politique d’Aristote le conduisent à prôner une solution — le régime mixte — qui annonce à bien des égards les régimes politiques de l’époque moderne. Ce faisant, il donne un nouveau départ à la réflexion politique qui ne cessera de se déployer au cours des siècles qui vont suivre.
Il en est de certaines questions doctrinales comme d’un ludion qui, selon les sollicitations du temps, apparaît ou disparaît de la surface de la pensée. Tel est le sort, au sein des études consacrées à Thomas d’Aquin, de la question du meilleur régime politique qui, à certaines époques, excite les passions toujours promptes à se mobiliser pour la chose politique, la res publica. En France, à l’époque contemporaine, en un pays où le régime politique a mis plus d’un siècle et demi à trouver un équilibre stable, la fin du XIXe et la première moitié du XXe siècle ont été marquées par d’intenses polémiques sur la question, au cours desquelles saint Thomas fut souvent sollicité, tout au moins dans le monde catholique. Si, un demi-siècle plus tard, les passions sont apaisées, le moment est peut-être bienvenu de se ressaisir de la question, sine ira sed studio, en tirant parti des progrès éditoriaux et des lumières renouvelées apportées par les études médiévales issues notamment du monde anglo-saxon.