Dans cette étude du commentaire thomasien du concept de nature dans le Livre II de la Physique d’Aristote, l’Auteur montre comment l’Expositor, c’est-à-dire Thomas d’Aquin, est revenu à la fin de sa carrière sur la question ne supprime pas a priori l’autonomie de la philosophie de la nature. Il en ressort que la définition de la nature supposée présente dans les choses n’est jamais donnée, même si Thomas procède à partir d’une translatio vetus révisée du texte aristotélicien à une clarification du langage. Il apert également que si l’Aquinate corrige Avicenne, Averroès et Maître Albert, il n’hésite pas à s’approprier l’interprétation du Commentateur sans pour autant la citer. Il reste surtout que la théologie révélée n’est de fait jamais utilisée comme clé herméneutique quand il s’agit simplement de la nature.
Il n’y a pas chez Aristote, contrairement à ce que laissait attendre le début du livre II de la Physique, d’image propre de la nature ni d’« évidence » naturaliste sur laquelle fonder une philosophie de la nature, mais seulement des modèles d’ordre artificialiste et anthropomorphique.
Si Clément Rosset a raison, en commentant le premier ouvrage de la scientia naturalis d’Aristote, connu comme le liber Physicorum, ou le De Physico, ou encore le De Naturali Auditu, Thomas d’Aquin aurait alors simplement été avec les autres commentateurs grecs et médiévaux, la victime d’une illusion. Le problème est que Clément Rosset fait une lecture plutôt solitaire d’Aristote, ce qui est loin d’être le cas pour l’Aquinate. En effet, entre Aristote et Thomas, il y a plusieurs traducteurs, notamment Jacques de Venise et Guillaume de Moerbeke, qui interprètent un texte grec en lui-même illisible. Et il y a des commentateurs qui sont aussi de grands philosophes, et qui complètent à tort ou à raison les interprétations des différents traducteurs. En comparaison de ces commentaires païens, ou strictement philosophiques comme la paraphrase d’Albert, la foi chrétienne, si elle n’est pas absente quand il est question de l’éternité du monde, ne semble de prime abord exercer aucune fonction herméneutique lorsqu’il s’agit de la nature dans la Physique d’Aristote. C’est ce que nous allons chercher à contester en scrutant de près le commentaire thomasien.