Jean Duns Scot sur l'infini extensif et l’infini intensif

Gérard Sondag
5,00 € l'unité
2005 - Fascicule n°1 2005 - Tome CV
111 - 122
Article
Jean Duns Scot, Infini extensif, Infini intensif

Résumé

1. Pour Duns Scot, le continu est indéfiniment divisible, mais non pas divisible en indivisibles. Il reprend ici à son compte les enseignements d’Aristote et d'Euclide pour qui seul existe l’infini potentiel, ou infini de succession. — 2. Pour des raisons qui sont principalement théologiques, Duns Scot introduit cependant une vision nouvelle de l’infini : est infini ce qui excède le fini selon toute proportion assignée ou assignable. Ceci revient à mettre en cause l’axiome d’Archimède, qui dit : deux grandeurs étant données, dont la première est inférieure à la seconde, il existe toujours un multiple de la première plus grand que la seconde. Or le multiple de la première, supérieur à la seconde, sera toujours fini. Mais le véritable infini est ce qui est plus grand que tout fini, si grand soit-il. — 3. Il est possible qu’il existe une magnitude infinie existant en acte. C’est possible, parce que ce n’est pas contradictoire. — 4. Cependant, une magnitude extensivement infinie existant en acte n’est pas encore parfaite, car elle n’est pas exempte de défaut. Seul est véritablement parfait un infini intensif existant en acte.

Extrait

Au tome VII de son Système du monde, dans le chapitre 3 intitulé « La possibilité de l’infini catégorique : les premières  tentatives », Pierre Duhem écrit au sujet de Duns Scot : « On ne saurait mettre d’une manière assurée Jean de Duns Scot ni parmi les partisans du seul infini syncatégorique [c’est-à-dire potentiel] ni parmi les partisans de l’infini catégorique [c’est-à-dire actuel]. » Sur ce point Duns Scot n’a écrit que peu de mots, sans prendre parti définitivement. Cependant, poursuit P. Duhem, « en ces quelques mots du Docteur subtil se trouvent des indications qui seront développées par ceux qui croient possibles la multitude et la grandeur catégoriquement infinies ». En particulier nous tenons de lui cette idée importante, en laquelle P. Duhem condense la pensée du docteur médiéval : « L’impossibilité, pour notre esprit, de concevoir autre chose que l’infini en puissance n’entraîne pas nécessairement l’impossibilité de l’infini en acte ».