Tout est devenu objet d’interprétation, et l’on peut se lancer imprudemment dans une entreprise d’herméneutique de Vatican II, fût-elle de continuité, sans avoir examiné l’instrument intellectuel, le processus interprétatif en tant que tel. Or interpréter est un acte d’intervention sur un texte, intervention qui le réduit aux structures ou aux préoccupations du sujet. Au contraire, un texte ecclésial doit se recevoir sans intention de l’interpréter, quelle qu’elle soit. Il appelle une explication, acte d’intelligence et d’explicitation les plus objectives possibles. Expliquer un texte n’est pas l’interpréter, c’est tenter de lui faire dire ce qu’il dit, tout ce qu’il dit, rien que ce qu’il dit. L’esprit d’un texte est dans sa lettre. Si l’on avait lu Vatican II plutôt que de chercher à l’interpréter en tous sens, bien des ruptures n’auraient pas eu lieu, et l’idée de continuité ne risquerait pas d’apparaître comme une interprétation parmi d’autres.
Au sein d'un colloque qui tâche de sortir d’une période de rupture et, surtout, d’une théorisation de cette rupture, pour restituer le concile Vatican II au flux ininterrompu de la tradition de l’Église, il convient de s’interroger un moment sur le statut des instruments intellectuels à même d’être utilisés. Les mots ne sont innocents que pour qui ignore qu’ils sont coupables. S’il s’agit d’interpréter le concile Vatican II selon la tradition de l’Église, que signifie « interpréter » ? Plusieurs sens risquent de surgir et, à ne pas les distinguer, l’arme fourbie pourrait bien exploser au visage de celui qui l’astique en vue du combat. Les termes d’interprétation et d’herméneutique ont pris une direction philosophique qu’il ne nous appartient pas d’ignorer. Sans quoi, c’est l’effort qui est le nôtre qui s’en trouvera ruiné avant les fondements.