On dit et on écrit que Dieu ne punit ni en ce monde ni même dans l’autre. Dieu est amour et l’amour pardonne mais ni il ne corrige, ni ne sanctionne, ni ne châtie. S’il y a une justice rétributive, tout au plus récompensera-t-elle les mérites, si mérites il y a. Or la Bible, Ancien Testament et Nouveau Testament confondus, laisse entendre que Dieu se manifeste, d’abord en ce monde, par des actes de jugements sauveurs, mais aussi par des avertissements salutaires et de justes punitions. Dès ici-bas Dieu punit les méchants et les corrige pour leur bien et celui des autres. Cette étude propose de faire le point sur cette délicate question, le plus souvent récusée par prétérition. Sans prétendre apporter une explication définitive ou complète, il s’agit au moins de mettre au clair certains principes théologiques et de formuler au mieux une proposition recevable au regard de la foi et des esprits modernes si profondément étrangers à l’idée même de juste punition.
Dieu ne veut ni le mal ni la mort du pécheur. Dieu veut le salut de tous les hommes, car il est bon et miséricordieux ; il veut faire de chaque homme un fils et le conduire à la béatitude céleste, tel est son éternel dessein. C’est pourquoi Dieu qui est Amour a noué une Alliance définitive avec l’humanité dans le Christ-Jésus. En lui, il a tout récapitulé pour se constituer un peuple nouveau, saint, l’Église. Dieu dans le Christ est notre rédempteur, celui qui nous sauve du péché et de la mort par sa mort et sa résurrection. Tout cela est certain, incontestable. C’est même l’essentiel du message évangélique.Pourtant l’Écriture donne aussi à voir que ce même Dieu sauveur châtie, corrige, punit les coupables dans ce monde comme dans l’autre. Il y a là un problème théologique que notre conscience moderne rend plus sensible encore. L’idée d’un Dieu vengeur, punissant les endurcis, nous est étrangère, insupportable même ; pourtant les textes sont là et ils sont nombreux. Pour ne donner que quelques références dans le Nouveau Testament, citons : Mt 3, 10 ; 7, 19 ; 10, 14-15 ; 11, 23-24 ; 25, 41, 46 ; Jn 15, 6 ; 2 Th 1, 8-9. La figure du Dieu justicier qui récompense et punit est bien présente dans la Bible jusque dans la littérature psalmique : Ps 54, 7. Outre qu’il ne convient pas de passer par-dessus trop rapidement, ou de les interpréter de telle manière qu’ils perdent toute réalité, leur âpreté provocatrice doit, tout au contraire, inciter à rechercher plus profondément ce qu’ils disent de Dieu, et que nous n’osons pas considérer. Pour notre part, nous nous en tiendrons à quelques remarques inspirées par ces textes bibliques, et par la lecture des passages où saint Thomas aborde cette question. Il va sans dire que cette étude ne prétend pas en aborder tous les aspects. Notre réflexion se situe plutôt dans l’horizon d’une réflexion sur le mystère de Dieu et de ses attributs.