Causalité et finalité

Michel Nodé-Langlois
5,00 € l'unité
2019 - Tome CXIX 2019 - Fascicule n°3
2019
355 - 380
Article

Résumé

Le positivisme et le néo-positivisme, rejetons de la philosophie critique de Kant, ont pour un temps imposé dans la culture des milieux scientifiques et universitaires le dogme selon lequel l’explication des réalités naturelles devait exclure tout recours aux notions de finalité autant que de causalité, réputées appartenir à des âges révolus de la pensée. L’échec, dans la théorisation scientifique des phénomènes naturels, du mécanicisme résultant de cette exclusion a conduit logiquement à une réhabilitation de ces deux notions, parce que la science ne peut, sans renoncer à sa vocation explicative, se passer de la seconde, et que la finalité apparaît comme inhérente au rapport de détermination causale, dans la mesure où celui-ci n’est rien d’autre que l’aptitude d’une cause à produire tel effet.

Extrait

Que n’a-t-on dit ou écrit, depuis Spinoza, sur le caractère anthropomorphique et antiscientifique de la physique finaliste d’Aristote ! Combien n’a-t-on fait gloire à la science dite moderne d’avoir dû ses succès au fait qu’elle s’en serait affranchie !
Il est vrai que Galilée, en mathématisant la physique à l’exemple d’Archimède, et en considérant l’héliocentrisme de Copernic comme une hypothèse plus vraisemblable que le géocentrisme d’Aristote, avait décentré l’homme dans l’Univers, et relativisé son point de vue, désormais mobile. Mais ce rejet de l’anthropocentrisme physique allait de pair, chez Galilée, avec un théocentrisme ontologique : la mise en évidence de l’ordre mathématisable des phénomènes, célestes autant que terrestres, était pour lui la manière scientifique de vérifier que l’Univers manifeste le dessein intelligent, divin et non humain, qui est à son principe. Le livre de la Sagesse ne dit-il pas que Dieu a tout créé « avec nombre, poids et mesure » ? Contrairement à ce que d’aucuns ont voulu faire croire par la suite, la physique et la cosmologie classiques ne naissaient pas d’une dissociation d’avec toute théologie providentialiste : c’est au contraire celle-ci qui donnait leur sens aux premières, en même temps que celles-là lui apportaient leur confirmation.