Les origines du christianisme et la question de ses rapports avec le judaïsme occupent une place particulière dans ce bulletin (première partie). Les pages suivantes traitent de questions de théologie aux IIe et IIIe siècles chez Irénée, Origène ou plus directement du développement de la pneumatologie (deuxième partie). La troisième et dernière partie est réservée au vaste domaine de la théologie post-nicéenne : de l’organisation pratique des assemblées synodales jusqu’aux spéculations de Maxime le Confesseur
Il est des termes clefs et fondamentaux qui caractérisent la théologie en général et spécialement l’ère patristique. Deux d’entre eux tout particulièrement : la succession (ἡ διαδοχή) et la tradition (ἡ παράδοσις). D’Irénée de Lyon à Maxime le Confesseur en passant par Eusèbe de Césarée ou le florilège patristique des Actes du concile d’Éphèse, les Pères ont eu conscience de s’inscrire dans une lignée de témoins, chaîne authentique qui les relie au Verbe fait chair envoyé par le Père. Assurément, la transmission du dépôt révélé ne s’est pas faite sans heurts, et les écrits des Pères en témoignent suffisamment. Ces pages de controverse, à situer dans le cadre littéraire de la polémique antique, peuvent manifester crûment la pâte parfois trop humaine de cette réalité qu’est l’Église, humaine et divine inséparablement. Cet aspect conflictuel a fait régulièrement l’objet de recherches scientifiques ; qu’on rappelle ici les publications au début du siècle dernier du patrologue et historien allemand Eduard Schwartz, soucieux de mettre en évidence les enjeux politiques des débats patristiques. Ces dernières décennies voient se multiplier d’autres approches, consacrées davantage au souci identitaire des écrivains ecclésiastiques, et attentives à mettre en lumière les motivations profondes de leurs multiples écrits, qu’elles soient conscientes ou inconscientes. Confrontations et oppositions sont perçues alors comme le lieu où la communauté se définit en construisant son orthodoxie à visée hégémonique et pérenne. Les fondements philosophiques de telles approches, fréquemment anglo-saxonnes, sont plutôt clairs, quand ils ne sont pas ouvertement déclarés. La French Theory et les philosophes de la déconstruction apportent, c’est vrai, des éclairages nouveaux, même en patristique. Mais l’acharnement — pour reprendre le vocabulaire de Michel Foucault — à introduire le discontinu et à ne laisser « rien au-dessous de soi, qui aurait la stabilité rassurante de la vie ou de la nature 1 » conduit philosophiquement à la dissolution du sujet et, théologiquement, à la disparition de la réalité ecclésiale ainsi qu’à l’incompréhension de ce que fut l’oeuvre des Pères : l’explicitation au fil du temps de la Vérité révélée, reçue justement par la παράδοσις. Si certaines publications recensées dans ce bulletin laissent transparaître, parfois de façon flagrante, de tels soubassements philosophiques et sociologiques, le patrologue trouvera cependant bien des recherches qui, si elles semblent moins à la mode, en sont peut-être d’autant plus précieuses.