L’article rappelle les traits essentiels de l’immense littérature exégétique islamique sur le texte coranique et montre comment le livre collectif intitulé Le Coran des historiens rompt avec elle pour distinguer ce qui est originel des élaborations dogmatiques ultérieures. Pour cela, il reprend, confronte et synthétise en un commentaire suivi toutes les analyses — faites et faisables — appuyées sur le contexte historique et géographique du Moyen-Orient dans l’Antiquité tardive, sur les diverses traditions culturelles et spirituelles qui y étaient présentes, ainsi que sur les données philologiques, épigraphiques et codicologiques.
Indubitablement, l’ouvrage Le Coran des historiens était une nécessité attendue depuis toujours 1. Vingt-huit spécialistes ont offert leur expertise scientifique pour réunir en un texte cohérent les dernières découvertes contemporaines concernant les études coraniques, adossées aux travaux des chercheurs depuis le XIXe siècle.
1. Situation de l’ouvrage
Jusque-là le monde non arabophone ne connaissait que les nombreuses traductions du Coran, souvent insuffisantes. Ces traductions souffraient des fautes produites par manque de précision linguistique ou philologique, ou par complaisance (Jacques Berque), ou encore par trop de sentimentalisme (André Chouraqui), ou simplement du fait de la politesse inhérente à leur époque qui atténue la brutalité de certains passages (Albert Kazimirski). Après la Deuxième Guerre mondiale, les oulémas de Médine ainsi que des musulmans vivant en Occident (Muhammad Hamidullah) ont fourni des versions du Coran avec désormais un nihil obstat de la Présidence de l’Ifta, de la Prédication et de l’Orientation Religieuse de Médine. Incontestablement, la traduction de Régis Blachère (arabisant et islamologue agnostique) demeure la plus aboutie, assortie d’une introduction savante, de référence. De nos jours, on trouve une traduction du Coran dans tous les dialectes et langues du monde. Mais si le grand public pouvait connaître cette multitude de traductions, il ignorait tout de sa formation, de son contexte historique élargi, et pas seulement ce que laisse savoir le Coran et les textes de la tradition.