Les conditions de l’apparition du thème de l’acte d’être dans la pensée d’Étienne Gilson restent mystérieuses. Il s’agit premièrement ici de se demander comment ce thème émerge. On découvre deux périodes. Chacune situe l’acte d’être dans une structuration métaphysique différente. La seconde est cohérente avec la pensée de saint Thomas sur l’actus essendi. Dans un second temps, on examine, dans la pensée de Gilson, les rapports entre l’être et l’essence, dans les étants et en Dieu, à la lumière de ce qu’en dit saint Thomas. On montre alors comment la pensée de Gilson, avec son approche propre, se rapproche de celle de l’Aquinate sur le rapport entre l’être et l’essence au sein des créatures, et en quoi Gilson va plus loin que saint Thomas dans sa façon de donner le primat à l’être dans l’identité de l’être et de l’essence en Dieu.
L’avertissement de la réédition récente de l’ouvrage du P. Fabro Participation et causalité selon saint Thomas d’Aquin rappelle les débuts mystérieux et concomitants du thème de l’acte d’être dans les oeuvres de Cornelio Fabro et Étienne Gilson. Le P. Humbrecht y évoque ce qu’il en est chez Gilson en 1939-1940, dans God and Philosophy, ainsi que les amorces présentes dans L’Esprit de la philosophie médiévale et Réalisme thomiste et critique de la connaissance. Si l’objet de cet article est de se pencher sur la genèse de ce thème dans l’oeuvre de Gilson, il ne permettra pas de trancher la question de l’éventuelle influence de l’un sur l’autre. Il tentera plutôt de montrer comment ce thème émerge chez le philosophe français.Gilson lui-même, lorsqu’il parle de l’émergence de l’acte d’être dans sa pensée, écrit en 1949 qu’il « n’[a] compris que tardivement, en écrivant God and Philosophy », en 1941, que l’acte d’être est la réponse à la grande question métaphysique qu’il porte en lui