Est-il possible d’identifier chez saint Thomas des traces de l’habitus de la prédication ? Un prêcheur désire parler de Dieu à tous et cela a influencé laconception thomiste des études en théologie. Par ailleurs, une autonomie vertueuse était requise pour un prédicateur itinérant et cela correspond à l’importance accordée par le Docteur angélique à la vertu de prudence.
Nul ne conteste que saint Thomas a été dominicain : ce terme qui n’était pas utilisé au XIIIe siècle désigne aujourd’hui son ordre de façon générique. Le Docteur angélique est même une référence tutélaire des Prêcheurs qui se définissent par rapport à lui. Peut-on alors prétendre évaluer en quoi il était dominicain ? Pour ce faire, l’historien replace ce que l’Aquinate a vécu ou écrit dans le contexte spirituel de son temps, en particulier dans la tradition de sa famille religieuse alors encore jeune.Thomas de Cantimpré a conservé, dans son traité Bonum universale de apibus, achevé en 1263, une anecdote sur la bulle Gratiarum omnium d’Honorius III (janvier 1217) confirmant l’autorisation donnée aux frères de prêcher à Toulouse. Un secrétaire avisé aurait remplacé la formule initiale, « frères de Saint-Romain prêchant (predicantibus) dans la région de Toulouse », par « prêcheurs (predicatoribus) ». La correction, visible sur le manuscrit conservé aux archives départementales de l’Aude à Carcassonne (H 317, no 1), est explicitée par le compilateur.