Le but de cet article est de caractériser la notion de loi telle qu’elle apparaît dans les manuels de théologie morale et de philosophie morale en usage juste avant le concile Vatican II. Tout d’abord, la moitié des manuels étudiés interprète l’ordinatio rationis de la définition thomasienne comme un commandement de la volonté, et seulement un quart comme une disposition et commandement de la raison, et ce de façon souvent superficielle. En outre, une bonne partie des auteurs réduit la portée de la définition thomasienne à la loi morale ou humaine, et la complète avec une notion inspirée des lois physiques, présentant ainsi une version incohérente et extrinséciste de la conception thomasienne. En réalité, la conception thomasienne de la loi repose sur un double emploi de l’analogie. D’une part la loi au sens propre se trouve pleinement réalisée dans la loi éternelle et de façon participée dans la loi naturelle, humaine et divine. D’autre part la loi est située au sens propre dans la raison du législateur et de façon dérivée dans les êtres qui sont soumis à cette loi.
Notre propos est de caractériser la notion de loi au sens générique, et surtout dans son aspect d’ordinatio rationis, telle qu’elle apparaît dans les manuels de théologie morale et de philosophie morale en usage juste avant le concile Vatican II à la lumière des questions 90-97 de la Ia-IIae de la Summa theologiae, auxquelles en général ces manuels se réfèrent. Nous commencerons par analyser la notion thomasienne (1). Puis nous étudierons un certain nombre de manuels après les avoir répartis par affinité (2). Enfin nous tirerons de cette étude une synthèse générale (3).