Saint Thomas d’Aquin enseigne que l’acte humain objectivement mauvais posé sous l’influence d’une conscience erronée que l’on suit n’est pas bon. Toutefois, si cette conscience est erronée en raison d’une ignorance qui excuse, la volonté, elle, est bonne lorsqu’elle pose cet acte par ailleurs défectueux. Il n’en va pas de même si cette ignorance est elle-même coupable. Dans ce cas, l’erreur ou l’ignorance n’excusent pas. Malgré tout, c’est toujours un péché d’aller contre sa conscience lorsque celle-ci prescrit ou interdit, même lorsqu’elle est objectivement erronée, que cette erreur soit coupable ou non. L’Aquinate est arrivé progressivement à ces conclusions, comme le montre le passage en revue chronologique de ses œuvres, depuis le Scriptum sur les Sentences, jusqu’au Commentaire sur l’épître aux Romains.
Il est assez courant de nos jours d’entendre et de lire qu’un acte posé en fonction d’une conscience erronée est bon. Qu’aurait pensé saint Thomas d’une telle assertion ? D’après notre recherche dans l’Index thomisticus, l’Aquinate utilise 62 fois l’expression conscientia près de erronea ; 53 fois conscientia avec ligare (dont certaines fois avec conscientia erronea) ; 11 fois conscientia près du mot excusare. Nous nous proposons ici de déterminer la position de saint Thomas (ou les positions, s’il a évolué) quant à savoir primo, si la conscience erronée oblige, et secundo, si la volonté qui suit la conscience erronée est bonne. Pour cela, nous analyserons les textes obtenus par notre recherche. Après quoi nous pourrons synthétiser la doctrine du Docteur angélique.