Saint Thomas et l’eschatologie millénariste (I)

Cyril Pasquier
5,00 € l'unité
2017 - Fascicule n°1
2017
5 - 54
Article
Eschatologie

Résumé

Saint Thomas d’Aquin semble être le grand oublié des études sur le millénarisme. Sans doute est-ce parce que, dans l’histoire des doctrines, il se situe après le millénarisme patristique et avant le chiliasme moderne. Pourtant, le Docteur angélique a étudié cette doctrine plus que ses pairs. L’analyse qu’il fait de cette aporie de l’eschatologie collective est un modèle de travail théologique. Pour en saisir toutes les harmonies, le présent article commence par replacer la question du millénarisme à la fois dans l’ensemble du donné révélé eschatologique et dans le contexte du XIIIe siècle. Puis vient la présentation des textes de Thomas sur le millénarisme joachimite et le chiliasme patristique, avec un sommet spéculatif atteint sur la question du temps à la résurrection. Cette étude s’achève par une brève explicitation de la thèse thomasienne du millénium ecclésial, où l’Aquinate semble largement revisiter l’héritage augustinien. Autour du mystère de l’Incarnation, des ponts sont jetés vers une eschatologie que saint Thomas n’a pas connue, celle du royaume des justes de saint Irénée de Lyon.

Extrait

Saint Thomas et l’eschatologie millénariste. Ce titre a quelque chose d’anachronique parce que saint Thomas d’Aquin ne connaissait pas à  proprement  parler  le  millénarisme.  Dans  l’histoire  des  doctrines, le Docteur angélique est un auteur se situant soit après, soit avant le millénarisme.Après parce que ce qui est appelé en théologie « millénarisme » est formellement  une  doctrine  patristique, principalement  de  la  période anténicéenne ; et les écrits millénaristes des Pères de l’Église ont à peu près totalement disparu de la tradition dogmatique de l’Église à partir du IVe-Ve siècle ; ils n’ont subsisté durant tout le Moyen Âge qu’aux marges occidentales et orientales de la chrétienté, en  Irlande et en Arménie. Ces textes ne réapparaîtront au cœur de l’Occident chrétien, dans les cercles théologiques et érudits, qu’à partir du xvie siècle. Saint Thomas, homme du XIIIe siècle, expose donc une doctrine qui est très peu connue de son temps, qui fait figure de vestige archéologique. Les théologiens médiévaux n’en avaient qu’une connaissance très approximative du fait de la perte des textes de référence. Au mieux, ils avaient accès à une copie déformée des catalogues d’hérésies de la patristique tardive qui, déjà, avaient schématisé le millénarisme à l’excès.