Le but de cette étude est de présenter les principaux éléments de la méthode exégétique de saint Thomas dans le Commentaire du Livre de Job, sa façon de formuler les acceptions bibliques, les éléments structurels et les techniques heuristiques concrètes. La première partie porte sur l’analyse des fondements métaphysiques de son « imagination scripturaire » particulière, qui ne consiste pas en une juxtaposition d’associations mais en la conviction de l’unité de l’histoire du Salut. Cette conviction transparaît dans l’attention qu’il porte aux coutumes des Saintes Écritures et à leur approche linguistique (i.e. modus loquendi, etc.). La deuxième partie est une analyse des principaux éléments de son « épistémologie exégétique » en tant que signification d’un sens littéral, de la structure argumentative de ses commentaires, du rôle du quasi dicat ou alio modo et des avertissements contre toute forme de « péchés exégétiques ». Dans le même temps, l’intérêt de saint Thomas d’Aquin à découvrir le sens plein du texte et sa concentration sur ce sujet prouvent son talent de pédagogue. La troisième partie est consacrée aux éléments structurels de son commentaire de Job, que sont la divisio textus, les quaestiones ou notae.
L’une des tâches principales du théologien médiéval consistait à commenter l’Écriture sainte, tâche pour laquelle l’ensemble des trois éléments de l’enseignement universitaire étaient employés, la lectio, la disputatio et la praedicatio. Il n’est donc pas surprenant que Thomas d’Aquin ait fait des leçons sur un certain nombre de livres de la Bible, dont nous possédons aujourd’hui ses commentaires. Bien que l’étude de l’Écriture ait fourni à Thomas son inspiration la plus profonde, pendant des siècles ses commentaires sont restés dans l’ombre de ses contributions propres à la théologie chrétienne, comme la Somme de théologie ou la Somme contre les Gentils. D’un point de vue technique, quelques-uns de ces commentaires ont été écrits par Thomas lui-même (ou dictés par lui) et ont reçu des titres tels que ordinatio ou expositio. D’autres nous sont parvenus sous forme de reportationes, c’est-à-dire de notes prises par l’un de ceux qui assistaient à ses cours. Certaines de ces notes étaient « autorisées », après avoir été revues et corrigées par Thomas ou d’autres.