La question des noms divins chez saint Thomas gagne à être abordée à la lumière de ses sources, notamment médiévales, afin de comprendre chaque auteur en vertu d’un fond commun mais aussi par différenciation. Après Pierre Lombard et Alexandre de Halès envisagés dans le précédent article, Bonaventure et l’Albert le Grand des Sentences font l’objet de celui-ci.
Étudier saint Bonaventure est autant une nécessité que l’aveu d’une insuffisance. Bonaventure mériterait de figurer à égalité avec Albert à la table ronde des interlocuteurs de Thomas, à cette double différence toutefois (qui voudrait servir d’excuse), qu’il n’a pas été son maître et qu’il n’a pas commenté les Noms divins. La confrontation serre donc de moins près l’oeuvre de Thomas ; elle n’est pas négligeable pour autant, comme Marie-Dominique Chenu l’a naguère suggéré, comme le rappelle Gilles Emery et comme vient de l’étudier Philip L. Reynolds. Bonaventure est contemporain de saint Thomas, à peine plus âgé que lui (1217-1274), mort peu après, la même année. Sur de nombreux points, il prend une autre voie que celle de Thomas. En revanche, son arbre généalogique est l’augustinisme, tel que le lui lèguent Alexandre de Halès et Jean de la Rochelle, entre les années 1245 et 1248. Bonaventure devient l’incarnation même de cet augustinisme médiéval, et sa doctrine de la connaissance de Dieu diffère du tout au tout d’avec celle de Thomas. Il convient de présenter Bonaventure en contrepoint ; mais la polyphonie est symphonique et, de plus, des dissemblances cachent peut-être des ressemblances, sans chercher non plus à poser les problèmes point par point, tant leur disposition et même leur esprit diffèrent. Comme le dit Gilson, « si le propre de la philosophie est de concilier, celui de l’histoire est de distinguer » ; distinguons