Que ce soit pour penser les relations entre l’amour humain et l’agapè chrétienne, celles entre la justice sociale et la charité, ou encore celles entre l’État et l’Église dans le service des pauvres, l’encyclique Deus Caritas est de Benoît XVI met en oeuvre une même structure théologique. Celle-ci exprime la logique fondamentale des relations entre « nature et grâce », ou plutôt la logique de la rencontre entre la révélation chrétienne et les réalités humaines naturelles. L’ordre de la grâce se distingue de l’ordre des réalités naturelles, mais entretient avec lui une relation vitale : loin de le nier, il l’assume, le rend à lui-même, le purifie et lui procure son accomplissement. À cette logique du christianisme s’oppose celle du rationalisme qui, refusant l’ouverture des réalités humaines à l’influence de la grâce, aboutit inéluctablement à leur dégradation.
Nature et grâce : serait-ce là le thème crypté de la première encyclique du pape Benoît XVI, rendue publique ce 25 janvier 2006 ? Non, bien sûr. L’objet précis de Deus Caritas est est on ne peut plus clairement indiqué dès l’introduction : « Dans ma première encyclique, je désire parler de l’amour dont Dieu nous comble et que nous devons communiquer aux autres » (n° 1). En conséquence, le document pontifical se subdivise en deux parties, distinctes par bien des aspects mais unifiées par la commune référence à l’amour divin, envisagé d’abord en lui-même puis considéré en tant qu’il est participé dans la communauté des croyants et source de son dynamisme caritatif. La première partie a pour but de « préciser […] certains éléments essentiels sur l’amour que Dieu, de manière mystérieuse et gratuite, offre à l’homme, de même que le lien intrinsèque de cet Amour avec la réalité de l’amour humain » (n° 1) ; et la seconde traite « de la pratique ecclésiale du commandement de l’amour pour le prochain » (ibid.), c’est-à-dire de la diakonia ou « service de la charité » (n° 19). L’objectif pratique de cet enseignement est de « susciter dans le monde un dynamisme renouvelé pour l’engagement dans la réponse humaine à l’amour divin » (n° 1).