Métaphysique de la substance : À partir de réflexions philosophiques contemporaines

Michel Bastit
8,00 € l'unité
2023 - Tome CXXIII 2023 - Fascicule n°4
123
CXXIII
Décembre 2023
4
2023
633 - 648
Article
métaphysique, Substance

Résumé

La philosophie analytique aborde deux séries de problèmes liés à la substance : celui de l’énumération des substances et celui de l’explication des substances. Parmi les explications de la substance, on trouve des explications par des entités extrinsèques comme les propriétés universelles externes, ou par des constituants intrinsèques particuliers comme les tropes, ou par des constituants répétables comme la forme. La discussion de chacune de ces thèses conduit à privilégier une explication intrinsèque par la forme substantielle immanente, répétable en chaque individu de l’espèce. De telles discussions montrent la permanence des problèmes philosophiques tout en invitant à y prendre part afin de philosopher en acte.

Extrait

Afin de mieux comprendre les questions qui se posent aujourd’hui sur la substance, il est utile de rappeler que trois grandes ombres planent sur la métaphysique de la substance. Tout d’abord l’ombre de Hume, c’est-à-dire celle du nominalisme, de l’empirisme et du scepticisme ; ensuite l’ombre de Kant, c’est-à-dire la réduction des catégories et spécialement de la substance à des catégories subjectives de l’entendement, certes nécessaires à l’organisation de l’expérience, mais sans ancrage réaliste ; enfin l’ombre de la science moderne et mathématisée qui favorise évidemment les relations bien plus que les substances et qui multiplie les entités dont la substantialité est problématique (par exemple, l’espace-temps ou bien les particules subatomiques).
Il n’est pas inutile non plus de rappeler que, face à ces trois grandes ombres, la lumière d’Aristote est encore présente, d’une part dans la branche continentale de la philosophie analytique à travers, par exemple, Trendelenburg ou Brentano et leurs disciples. Elle est aussi présente dans le monde anglo-saxon, car il ne faut pas négliger le fait que les universités anglaises ont continué à transmettre la tradition classique — c’est-à-dire scolastique avec un ancrage chez Aristote — pendant beaucoup plus longtemps que les universités françaises.
Les problèmes qui tournent autour de la substance sont évidemment très importants. Il s’agit au fond de savoir si oui ou non la constitution la plus radicale de la réalité consiste en des êtres autonomes, particuliers et consistants, tels que nous pouvons le soupçonner en expérimentant les
êtres vivants et à titre privilégié les hommes, les animaux, les éléments et les corps chimiques naturels simples. Il est inutile de souligner la place importante de l’usage de la substance dans le cadre de la théologie thomiste, depuis l’eucharistie jusqu’à la théologie trinitaire en passant par l’incarnation.