Maître Eckhart (1260-1327) et Nicolas de Cues (1401-1464) (II)

Hervé Pasqua
5,00 € l'unité
2015 - Fascicule n°4 2015 - Tome CXV
655 - 690
Etude
Création, Nicolas de Cues, Christologie, Maître Eckhart

Résumé

Comment s’articulent création du monde et génération du Verbe ? Quelle est la nature du lien entre la filiation divine du Fils de Dieu par nature et la filiation divine de l’homme par adoption ? Que signifie être créé à l’image de Dieu ? Quel est le statut ontologique de cette image ? Autant de questions cruciales, dont l’enjeu est anthropologique aussi bien que théologique. Comment se posent-elles chez saint Thomas d’Aquin, Maître Eckhart et Nicolas de Cues ? Nous analysons et discutons les différentes interprétations formulées et nous les confrontons entre elles à la lumière de la doctrine thomiste de l’esse. Cette confrontation permet de mettre en lumière, du même coup, ce qui sépare la christologie eckhartienne qui fait reposer la conformation au Christ sur une figure abstraite du juste, ou de « l’homme noble » à venir, et celle de saint Thomas pour qui l’imitation du Christ repose sur l’humanité du Christ historique et la méditation des mystères de sa vie concrète.

Extrait

Comment s’articulent création du monde et génération du Verbe ? Quelle est la nature du lien entre la filiation divine du Fils de Dieu par nature et la filiation divine de l’homme par adoption ? Que signifie être créé à l’image de Dieu ? Quel est le statut ontologique de cette image ? Autant de questions cruciales, dont l’enjeu est anthropologique aussi bien que théologique, qui sont abordées par les contributions réunies dans le volume qui leur est consacré sous la direction de Marie-Anne Vannier. Comment se posent-elles chez saint Thomas d’Aquin, Maître Eckhart et Nicolas de Cues ? D’emblée, M.-A. Vannier situe la pensée d’Eckhart dans le lignage de saint Thomas d’Aquin en l’inscrivant dans le schéma de l’exitus et du reditus qui constitue le mouvement de sa Somme théologique. Comme ce dernier, selon elle, le Thuringien interprète l’exitus en se démarquant du néoplatonisme. Ainsi, la sortie ne doit pas être comprise comme une émanation qui impliquerait une « perte d’être », mais comme une création qui signifie « don de l’être ». La création est don de l’être, elle est ebullitio, elle effectue une différence ontologique entre le créateur et les étants créés, elle se distingue de la génération du Fils, elle invite à l’adoption filiale. Ainsi caractérisée, elle est essentiellement d’ordre ontologique, elle est collatio esse, rassemblement de l’être en Dieu qui est à la fois esse et unum. Cette doctrine recoupe-t-elle celle de l’Aquinate ? La question se pose : la création est-elle, pour ce dernier, ébullition ? Qu’en est-il vraiment ?