Maître Eckhart (1260-1328) et Nicolas de Cues (1401-1464), héritiers du néoplatonisme chrétien, ont médité sur l’unité de l’Unum auquel ils identifient le Dieu Trine de la Révélation. Or Dieu a donné son nom à Moïse : Je Suis (Ex 3, 14). Dieu est-il l’Un ou est-il l’Être? Il s’agit de faire le point sur la pensée de l’Un chez Eckhart et le néoplatonisme, l’influence d’Averroès sur le maître rhénan et celle d’Eckhart sur Cues, et la confrontation de leur pensée avec celle de saint Thomas d ’Aquin.
Deux grands pôles herméneutiques se partagent les études consacrées à Maître Eckhart en France : les lectures d’Alain de Libera d’un côté, et l’Équipe de Recherches sur les Mystiques rhénans de l’autre. En même temps a paru en 2006 un livre fort original d’Hervé Pasqua, se situant à mi-parcours des travaux de Libera et de l’équipe de Marie-Anne Vannier. Alors que celle-ci insiste sur la dimension mystique de l’œuvre du Maître dominicain, celui-là inscrit ses recherches dans un cadre essentiellement historique, cherchant à faire de Maître Eckhart un héritier d’Albert le Grand, tout en refusant de dissocier la mystique et la philosophie eckhartiennes. La démarche d’H. Pasqua s’éloigne assez nettement de celle de l’Équipe de Recherches sur les Mystiques rhénans en ceci qu’il n’accorde que peu de pertinence à une approche précisément mystique de la pensée de Maître Eckhart, mais il n’en rejoint pas pour autant le geste historique d’Alain de Libera qui, inscrivant Maître Eckhart dans la tradition d’Albert, ne libère pas tout ce que la pensée de la Déité peut avoir de novateur, voire de subversif au regard de la tradition scolastique.