Le statut religieux de l’islam selon la théologie catholique

Philippe-Marie Margelidon o.p.
5,00 € l'unité
2019 - Fascicule n°1 2019 - Tome CXIX
1800
107 - 129
Article
Islam, Jacques Maritain, Théologie, Charles Journet, statut religieux, michel marie labourdette

Résumé

La Revue thomiste et ceux qui, après la guerre, lui furent liés de très près, Marie-Michel Labourdette, Charles Journet et Jacques Maritain, ont tenté de répondre à la question du rapport de la religion islamique au christianisme et de sa place dans le plan divin du salut. Cette question demeure, mais le contexte a changé depuis la fin du XXe siècle. Les paramètres ecclésiologiques (appartenance invisible à l’Église visible) qui étaient mis en avant, se sont déplacés en amont de la question ; l’interrogation se reporte aujourd’hui sur les fondements de l’islam comme religion et comme culture (société/politique), sa nature religieuse — et ses origines — entraînant une reformulation, en théologie catholique, du statut de la religion islamique dans l’histoire du salut, de ses relations avec la religion chrétienne en termes soit de complémentarité ou de convergences, d’identité, de différences ou même d’oppositions. Or les choses ne sont pas claires du tout, il importe donc de faire le point et de clarifier les débats. Il faut en effet sortir des ornières de l’irénisme et des déclarations convenues. La théologie catholique, et la pensée thomiste en particulier, doit de nouveau se saisir de cette question avec rigueur et objectivité.

Extrait

Il est fréquent de parler des « trois monothéismes » (judaïsme, christianisme et islam), ou encore, depuis Louis Massignon, des « trois religions abrahamiques », ou plus fréquemment encore des « trois religions du livre », parfois des « trois religions révélées ». Toutes ces qualifications, commodes dans leur apparente simplicité sont trompeuses. Elles désignent trois religions distinctes, qui n’ont pas le même contenu, le même style, qui certes ne sont pas sans rapports, mais s’opposent, à des degrés variés, par l’histoire, l’origine, la géographie, les priorités confessionnelles ou dogmatiques, l’éthique, l’anthropologique religieuse ; bref le juif, le chrétien et le musulman entretiennent des rapports de ressemblances et de dissemblances, pour ne pas dire d’oppositions marquées, parfois frontales. Selon les moments et les critères, on insistera plus sur ce qui les rassemble que sur ce qui les oppose, ou inversement, non sans risque de confusion. La théologie catholique partage un spectre très large entre minimalisme et maximalisme. L’interreligieux favorise, au moins depuis 1965, le pôle de l’analogie, et en elle de la ressemblance et du complémentaire. On élabore au sein du catholicisme des théologies de l’analogie religieuse dans une perspective théocentrique qui tentent de faire droit à ce que chaque religion a de spécifique et de complémentaire, de compatible et de différent avec le christianisme, au nom du dialogue qui est devenu le mode paradigmatique du rapport interreligieux, rendu possible par de communes valeurs religieuses. L’islam occupe une place à part, toujours discuté et hautement problématique, les positions et les opinions des théologiens variant au gré de l’état du dialogue, de ses avancées, s’il y en a, et de ses échecs. La question du statut de l’islam s’en trouve modifiée. On notera un décalage très prononcé entre les perceptions et discours officiels, positifs et volontaristes, encourageants et iréniques, et les perceptions plus distanciées, parfois critiques des observateurs,qu’ils soient théologiens ou philosophes, agnostiques ou croyants. La théologie catholique est fluctuante, même si les organes officiels et instituts spécialisés donnent le change, et semblent maintenir un discours consensuel, positif, relativement optimiste, souvent pondéré, mais que d’aucuns trouvent quelque peu relativiste