La question du désir naturel de voir Dieu est un point délicat de la théologie, qui se trouve au croisement de différentes thématiques, et qui a suscité de vives polémiques au XXe siècle. Le bienheureux Jean Duns Scot en offre une présentation originale, qui a été assez peu étudiée pour elle-même. Cet article s’efforce de synthétiser sa position et de la comparer avec ce que l’auteur pense avoir saisi de la position de saint Thomas.
Toute l’Église peut être reconnaissante à l’ordre franciscain et à la commission scotiste pour l’immense travail entrepris en vue de publier une édition critique des commentaires des Sentences de Pierre Lombard rédigés par Jean Duns Scot (1274-1308). Commencée en 1950, cette édition vient de s’achever en 2017 : elle nous fournit un texte sûr quant à la théologie du Docteur subtil. L’édition officielle publiée à Rome par la commission comprend les œuvres suivantes :- Volumes I à XV : Ordinatio- Volumes XVI à XXI : Lectura.L’Ordinatio, encore appelée Opus oxoniense car elle aurait été composée à Oxford, est un commentaire complet des quatre livres des Sentences de Pierre Lombard, qui suit l’ordre du texte du « Maître ». Elle porte ce nom d’Ordinatio car elle fut mise en ordre avec davantage de soin que les autres commentaires des Sentences de Scot dont nous disposons. Cet ouvrage fut probablement dicté à un secrétaire, comme c’était la coutume à l’époque, ou écrit, pour une part, de la main de Duns Scot lui-même.Comme il en existe différentes versions, et que cette Ordinatio n’a pas été vraiment achevée, ni ne semble avoir été relue par son auteur, au vu des manuscrits dont on dispose, les spécialistes de la commission estiment que ce n’était pas un cours, mais des notes de Scot qui ont circulé en Europe selon différentes versions plus ou moins élaborées.L’ouvrage appelé Lectura est aussi un commentaire des Sentences, mais qui ne porte que sur les trois premiers livres. C’est, selon toute vraisemblance, une version antérieure à l’Ordinatio. Elle serait une reportatio, une prise de notes par des disciples.Il existe encore la Reportatio parisiensis, transcription de lectures des Sentences qui auraient été données par Scot à Paris.Cette publication nous permet de mieux saisir la pensée génuine de Scot. Dans cette contribution, nous voudrions nous intéresser à une question importante de l’anthropologie chrétienne : le rapport entre la nature et la grâce, et, plus précisément, la question controversée du désir naturel de voir Dieu ou du désir naturel de la béatitude — une expression qui se trouve dans les œuvres du théologien franciscain.