Saint Thomas définit le caractère sacramentel comme « une ordination au culte tel qu’il convient au rite de la vie chrétienne ». Dans notre article, nous rendons compte du sens de cette expression, utilisée par le deuxième concile du Vatican. Pour ce faire, nous reprenons la doctrine thomasienne de la religion et du culte, en montrant que dans le cas de la Loi nouvelle il s’agit essentiellement de la vie de grâce dans toute son étendue. Puisque notre culte est une participation à celui du Christ, nous rappelons ce que signifie pour lui d’être Prêtre. Enfin, il est montré que le caractère sacramentel chez saint Thomas n’est pas une réalité statique, mais la source d’un dynamisme christique et christoconformant. Nous regardons comment dans chaque sacrement à caractère le chrétien reçoit et communique les choses saintes dans l’exercice unifié des tria munera.
Le lecteur moderne risque d’être fortement surpris en rencontrant pour la première fois la définition du caractère sacramentel, telle que saint Thomas d’Aquin la donne dans la troisième partie de sa Somme de théologie. Pour le Docteur angélique, le caractère est une disposition stable produite par certains sacrements, une qualité qui députe « au service spirituel du culte de Dieu ». Le sacrement « parfait l’âme en vue du culte de Dieu tel qu’il convient au rite de la vie chrétienne ». Le caractère sacramentel n’est donc pas une vague disposition à la réception de la grâce sanctifiante, mais une source d’action, une députation en vue d’une activité bien précise. « Chaque fidèle est député à recevoir ou à donner aux autres ce qui concerne le culte de Dieu et c’est là le rôle propre du caractère sacramentel. » Si tous les sacrements ne confèrent pas le caractère — seuls le font ceux qui ne sont pas réitérables —, tout caractère sacramentel, et pas seulement celui de l’ordre, a selon saint Thomas une forte teneur cultuelle. Il configure l’âme non seulement à Dieu, mais plus précisément au Christ, et même au Christ en tant qu’il est prêtre. La députation au culte chrétien n’est possible que par l’union à celui qui en est la source et le modèle : « Tout le rite de la religion chrétienne découle du sacerdoce du Christ. » Cette lecture cultuelle du caractère sacramentel ne réduit-elle pas la vie chrétienne à l’activité liturgique ? Pour saint Thomas lui-même, le culte de la religion ne relève pas d’emblée des vertus théologales, mais de celle de la justice. Peut-on alors restreindre le caractère baptismal à une députation cultuelle, étant donné que la grâce du baptême est la communication de la vie divine qui englobe tout l’agir moral naturel et surnaturel de l’homme ? Donc, une première question se pose : la doctrine thomasienne du caractère sacramentel n’est-elle pas réductrice et incohérente avec l’ensemble de son œuvre ?