Article écrit en l'année 2014 par dans la Revue thomiste n° CXIV, pages 095-128
La question du bien poursuivi par l’agir politique est l’une des plus délicates qui soit, puisque c’est toute la finalité de l’ordre politique qu’y s’y trouve engagée. Thomas d’Aquin reçoit de la tradition latine l’expression de «bien commun» qui n’est pas celle d’Aristote. Pour autant, s’il use très souvent de cette expression, il ne la définit jamais directement. En analysant les usages les plus significatifs, il apparaît clairement que le bien commun doit être saisi à la fois au niveau naturel et au niveau surnaturel. L’enjeu est alors de préciser, d’une part en quoi ce bien consiste, à chacun des niveaux et, d’autre part, comment saint Thomas articule ces deux expressions. On peut alors mesurer en quoi il demeure fidèle à Aristote et en quoi il le transforme, en théologien chrétien.
Toute l’étude de la vie humaine pratique par saint Thomas — celle qui relève des opérations humaines — s’inscrit dans une perspective téléologique. La considération de la fin poursuivie conditionne les analyses des opérations qui y conduisent. Comme Aristote l’exprime si nettement à l’ouverture de l’Éthique à Nicomaque, tout l’enjeu est de découvrir en quoi consiste cette fin, qui est un bien qui attire, et qui incite les hommes à poser des opérations en vue de l’obtenir. Le «bien commun» est l’expression par laquelle Thomas d’Aquin désigne la fin poursuivie par la politique.