La question des relations entre Église et société civile, de manière générale et à Vatican II, est relativement riche et complexe. L’article tente en premier lieu une clarification du vocabulaire (Église, société, société civile). Il rappelle ensuite le cadre de pensée de Gaudium et spes, le rapport de l’Église au monde qui éclaire la relation de l’Église à la société civile. Il étudie enfin les divers aspects de cette relation (apport de l’Église à la société, doctrine de l’Église sur la société civile, principe de subsidiarité, dialogue de l’Église avec la société par la médiation des évêques, rôle des laïcs). Cette délicate question ne se comprend véritablement qu’en référence à un double fondement explicatif : un fondement ecclésiologique (le mystère de l’Église, une théologie de l’Église comme sacrement) et un fondement anthropologique (la vocation intégrale de l’homme, une saine compréhension des rapports entre nature et grâce). Cette réflexion entend montrer la continuité de doctrine entre le concile Vatican II et la tradition qui le précède, de Léon XIII à Pie XII.
Diverses questions dessinent une riche problématique autour de la question des rapports entre Église et société civile. On peut aborder ces relations selon plusieurs points de vue :– un point de vue historique et institutionnel, dans la genèse et les effets de ces relations : dans quel cadre la relation Église/société civile se pose-t-elle ? Le cadre institutionnel de fait est-il la séparation Église/État ? L’État est-il catholique, chrétien mais non catholique, d’une autre confession religieuse (comme l’islam, par exemple) ? Y a-t-il une politique de concordat ? Qu’en est-il de la liberté religieuse ? Que faut-il corriger ou préciser dans les relations Église/société civile ?– un point de vue herméneutique : l’Église a-t-elle vraiment quitté la perspective médiévale, a-t-elle vraiment rompu, pour prendre un cas extrême, avec la position d’un Boniface VIII au début du xive siècle, comme le soulignait Pie XII ? A-t-elle délaissé l’approche purement juridique des problèmes (avec le risque de majorer les oppositions entre Église et société) ? A-t-elle intégré une approche plus anthropologique, de solidarité avec le monde, de dialogue, de réciprocité, de présence au monde ? Y a-t-il rupture, discontinuité, évolution, continuité dans son approche du problème, de Léon XIII (ou même avant) jusqu’à Vatican II (et au-delà) ? – un point de vue théologique et ecclésiologique : quels sont les fondements de la relation Église/société civile ? L’importance donnée au mystère de l’Église dans Lumen gentium est-elle bien conservée dans Gaudium et spes et dans Dignitatis humanae ? L’ecclésiologie est-elle bien unifiée à travers l’ensemble des textes conciliaires ? La sacramentalité de l’Église constitue-t-elle une clef d’interprétation, une clef d’explication ?