Cette étude répond à un triple objectif. Le premier est de faire ressortir un point important de la doctrine thomasienne concernant l’unité du genre humain : celui-ci dérive d’Adam comme de son principe. Selon saint Thomas, Adam a été établi par Dieu non seulement comme « le père » maisaussi « l’instructeur » du genre humain. Il continue d’exercer, à la manière d’une cause universelle, une influence sur tous les hommes. Le deuxième objectif est de comprendre pourquoi l’Aquinate n’associe pas Ève à la principialité d’Adam selon la nature. Un grand nombre d’arguments (exégétiques, anthropologiques, scientifiques) justifient, selon lui, le fait qu’Ève ne joue pas de rôleactif dans la génération, l’éducation, le gouvernement du genre humain ainsi que dans la transmission du péché originel. Le troisième objectif est de voir ce qui, dans la position de saint Thomas, peut être retenu et ce qui, à la lumière des développements théologiques et scientifiques récents, doit être exploité, nuancé et corrigé. Les enjeux d’une telle réflexion sont multiples. Ce sujet nous conduit à une meilleure intelligence du monogénisme, de la principialité que nos premiers parents exercent sur toute l’humanité, de la transmission du péché originel, de la différence homme/femme, mais également de l’ordre conjugal dans l’état de justice originelle et dans l’état de nature corrompue.
La principialité d’Adam, selon la nature, est un point important de l’enseignement thomasien. L’Aquinate aborde ce sujet à plusieurs reprises : quand il s’interroge sur les origines de l’homme et l’état de justice originelle, quand il réfléchit à la transmission du péché originel, quand il commente, enfin, le parallèle paulinien entre le vieil et le nouvel Adam. À aucun moment, cependant, saint Thomas n’envisage la participation d’Ève à cette principialité. Le nom d’Adam ne désigne pas, comme en raccourci, le couple formé par nos premiers parents, mais Adam seulement. Lui seul, selon lui, a été institué par Dieu « principe du genre humain (humani generis principium) », « principe de toute la nature humaine (principium totius humanae naturae) », « père et instructeur de tout le genre humain (pater et instructor totius humani generis) ».
