La philosophie analytique de langue française aujourd’hui

Michel Bastit
5,00 € l'unité
2019 - Fascicule n°2 2019 - Tome CXIX
1800
323 - 346
Bulletin
philosophie analytique

Résumé

Cet article est une revue de la production de la philosophie analytique qui cherche à mettre en lumière, à l’occasion de la présentation de plusieurs ouvrages en langue française, le caractère classique et intéressant des thèmes philosophiques abordés par les auteurs qui appartiennent au courant analytique. Il montre donc que la pensée aristotélico-thomiste peut se faire entendre dans ce contexte pour peu qu’elle accepte, comme la scolastique l’a toujours fait depuis son origine, la discussion argumentée.

Extrait

Les origines de la philosophie analytique sont diverses. Dès la fin du XIXe et au début du XXe siècle, Franz Brentano, éduqué dans l’aristotélisme, et représentant un courant de pensée d’Europe centrale n’ayant jamais accepté le kantisme, prône le développement d’une philosophie exacte, objective. L’une des thèses qu’il soutient est que la méthode de la philosophie doit être analogue, sinon identique, à celle des sciences. À Vienne se développera également le fameux cercle du positivisme logique qui tente d’unifier les sciences et de leur donner la forme et la portée d’un langage rigoureux. Ce projet aboutit au livre de Rudolf Carnap, La Construction logique du monde. Cela se double aussi, chez le même Carnap (1891-1970), d’un rigoureux vérificationnisme. Il implique un violent rejet de la métaphysique, accusée de ne pouvoir satisfaire aucun des deux critères de la scientificité : ni vérification sensible, ni langage rigoureux. Pendant ce temps, en Angleterre, Bertrand Russell (1872-1970), accompagné par George Moore (1873-1958), initie un rejet du néohégélianisme jusque-là dominant à travers Francis Bradley (1846-1924) et Bernard Bosanquet (1848-1923). Il lui substitue l’atomisme logique, qui s’exprime entre autres dans les Principia Mathematica (1910-1913). Influencé d’abord par le Cercle de Vienne, puis encore par le positivisme logique, Ludwig Wittgenstein (1889-1951) en viendra bientôt à imprimer à la philosophie le célèbre linguistic turn, le langage de référence étant dans un premier temps le langage de la logique, puis secondairement le langage ordinaire. Indépendamment du choix que l’on pouvait faire, la question de savoir quel état de choses justifiait les formules ou le langage ne cessait de se poser, aussi bien pour la logique à travers le problème de la référence et de la portée de la quantification, que pour le langage ordinaire, d’autant plus qu’Alfred Tarski (1902-1983) développait sereinement une doctrine de la vérité comme correspondance (= adaequatio) à la réalité. À partir de là, la voie s’ouvrait vers le développement d’un questionnement regardant l’ensemble des êtres, y compris ceux qui ne pouvaient pas être perçus par les sens comme les universaux, les nombres, etc. Le résultat fut qu’après le linguistic turn se produisit un inattendu metaphysical turn.