L’humilité selon saint Thomas d’Aquin

Maximilien Le Fébure du Bus
5,00 € l'unité
2019 - Fascicule n°2 2019 - Tome CXIX
1800
211 - 246
Article
Thomas d'Aquin, humilite, vertu

Résumé

Dans la Somme de théologie, saint Thomas range l’humilité sous la vertu de tempérance comme une « espèce de modestie ». Régulièrement critiqué, ce classement peut paraître en effet réducteur, eu égard à la place essentielle tenue par l’humilité dans l’enseignement du Christ et dans toute vie spirituelle. La présente étude se propose de réévaluer le statut de l’humilité thomasienne au sein de l’organisme vertueux et d’en mesurer la conformité avec l’héritage biblique et patristique. Sans être la « mère des vertus », l’humilité présentée par l’Aquinate peut prétendre à être la « vertu lien » de Jean Chrysostome.

Extrait

Saint Thomas d’Aquin a laissé un bref traité sur l’humilité dans la Somme de théologie, la question 161 de la IIa-IIae. Par ailleurs, l’humilité revient sous sa plume dans d’autres oeuvres, en particulier à l’occasion de l’étude du Verbe incarné. Le Docteur fait de l’humilité une « espèce de modestie », laquelle est une vertu annexe de la tempérance. Cette approche rend-elle bien compte de la place réelle jouée par l’humilité dans la vie chrétienne ? Le P. Pinckaers remarque en effet : « Il faut bien l’avouer, la lecture de saint Thomas ne cause pas le même élan en faveur de l’humilité que les exhortations des Pères et des spirituels […]. Ne peut-on dire aussi que la vertu d’humilité se trouve un peu humiliée d’être reléguée après la modestie ? » Et le P. Louf d’affirmer : « C’est en effet comme un sous-produit, si l’on ose dire, de la vertu de tempérance que saint Thomas va cataloguer l’humilité chrétienne. »
Moins polémique, Michel Zink écrit récemment : « [L’humilité] n’est pas une des vertus fondatrices. L’humilité n’est ni l’une des trois vertus théologales (la foi, l’espérance et la charité) ni l’une des quatre vertus. cardinales (la prudence, la force, la justice et la tempérance). Thomas d’Aquin en fait une catégorie de la tempérance. »
Notre étude se propose de revisiter l’approche thomasienne de l’humilité. En relisant la question 161 de la IIa-IIae et les lieux parallèles du Docteur, nous chercherons tout d’abord à mesurer la convenance de la définition de saint Thomas : a-t-elle des fondements dans la philosophie antique ? Est-elle conforme à la notion scripturaire de l’humilité ? N’est-elle pas réductrice ? Dans un deuxième temps, nous essayerons de dégager les axes principaux de la doctrine thomasienne sur l’humilité, ceci afin d’en souligner l’extension. Enfin, nous pourrons évaluer la place réelle que vient jouer une telle humilité dans l’exercice des vertus théologales et morales du chrétien et sa cohérence vis-à-vis de la tradition spirituelle.