L’esse et le bien dans le commentaire sur le De divinis nominibus du Pseudo-Denys Aréopagite

Alain Contat
8,00 € l'unité
2020 - Fascicule n°1 2020 - Tome CXX
2020
25 - 58
Article
bien, esse, de divinis nominibus, pseudodenys areopagite

Résumé

Depuis plus d’un demi-siècle, les amis de saint Thomas d’Aquin se sont intéressés à l’influence que le traité surs Les noms divins a exercé sur sa métaphysique. Dans ce sillage, nous nous arrêtons ici sur les rapports réciproques entre le bien et l’être (esse) dans le commentaire du Docteur angélique. Nous espérons avoir mis clairement en évidence les deux lignes directrices qui commandent, sur ce point, la réception du Pseudo-Aréopagite dans la pensée de l’Aquinate : une forte divergence, qui conduit ce dernier à renverser la primauté dionysienne du bien sur l’être ; et une non moins forte convergence, qui débouche sur la notion d’esse intensif, source de toute la perfection de l’étant.

Extrait

C’est presque devenu un lieu commun au cours des dernières décennies : la métaphysique de Thomas d’Aquin doit beaucoup à ses sources néoplatoniciennes, à commencer par les deux oeuvres qu’il a commentées, à savoir le Liber de causis et le De divinis nominibus. D’excellents travaux ont exploré cette piste de recherche, notamment les monographies d’Ignacio Andereggen, de Fran O’Rourke, de Thierry-Dominique Humbrecht, d’autres encore. En ce qui concerne le Pseudo-Denys, le paradoxe est patent et connu. En effet, le cortège des noms divins commence au chapitre IV avec le bien (ἀγαθόν) et s’achève au chapitre XIII avec le parfait (τέλειον) et l’un (ἔν), ce dernier segment étant caractérisé comme « le plus fort (ϰαρτερώτατον) » de toute la séquence, au cours de laquelle l’Aréopagite ne concède à l’étant (ὄν) et à l’être (εἶναι) qu’une place intermédiaire, au chapitre V, après avoir déployé, à la suite du bien, la lumière, le beau, l’amour, l’extase et le zèle. L’Aquinate, tout au contraire et comme chacun sait, résout le bonum dans l’ens, puis l’ens dans l’esse. La question se pose dès lors de savoir comment la métaphysique thomasienne de l’ens-esse se réfère à la théologie dionysienne de l’un-bien : que lui doit-elle, et comment l’assume-t-elle ? Bien que ce thème ne soit pas neuf, nous voudrions offrir ici une contribution, que nous espérons utile, à la solution de ce problème, en nous attardant de manière analytique sur les rapports entre le bonum d’une part, et le couple ens-esse d’autre part, tels qu’ils sont thématisés dans le Super librum Dionysii De divinis nominibus.