Parfois présentée comme une forme de désir, parfois présenté comme une espèce de la crainte, l’(ad)miratio thomasienne apparaît plurivoque. La présente contribution souhaite montrer que ces différentes significations renvoient principalement à deux sens différents ordonnés l’un à l’autre : d’une part l’(ad)miratio ayant raison de principe que nous nommerons étonnement, et d’autre part, l’(ad)miratio ayant raison de terme que nous nommerons admiration.
« Thomas d’Aquin […] est trop souvent considéré à tort comme un simple penseur abstrait 1. » Sa considération de l’objet de l’(ad)miratio montrera au contraire que pour ce dernier, la vie contemplative se vit au nom d’une passion : l’(ad)miratio, qui se révélera être double : l’(ad)miratio-étonnement et l’(ad)miratio-admiration.Ce concept fut étudié par Laurence Renault afin de manifester l’originalité du dénombrement cartésien des passions. Ainsi, dit-elle, le concept d’admiratio chez Thomas d’Aquin « ne saurait être une passion ». En effet, au commencement de son traité sur la béatitude, Thomas affirme que « le désir demeure naturellement en l’homme, lorsqu’il connaît un effet et qu’il sait que celui-ci a une cause, de savoir aussi ce qu’est la cause. Et ce désir est un désir d’étonnement (admiratio), et il cause la recherche, comme dit Aristote au début de sa Métaphysique ». Laurence Renault fait ainsi remarquer que le désir en question est un appétit intellectuel. Or, la passion n’est pas de l’ordre de l’appétit intellectuel mais de l’appétit sensible. Et c’est pourquoi, en s’appuyant sur le texte même deThomas, Laurence Renault semble pouvoir conclure que l’admiration n’est pas une passion.