Cette étude aborde la réflexion de Jacques Maritain sur Israël du point de vue de son fondement théologique. Elle en retient principalement l’axe central, la contribution de Maritain à une intelligence plus profonde du « mystère » énoncé par saint Paul dans les chapitres 9-11 de l’Épître aux Romains, en particulier Rm 11, 25-32.
Quand on s’interroge sur l’apport de Jacques Maritain à la théologie — ou sur la dimension théologique de l’œuvre de Maritain — on ne peut pas ne pas parler de sa longue méditation sur « le mystère d’Israël », sous-jacente à son intrépide combat contre l’antisémitisme. Par son sujet, cette méditation est liée à l’histoire et à la philosophie de l’histoire, mais sa portée transcende les contingences de l’histoire et ne s’éclaire en définitive que dans la perspective de l’histoire du salut et des desseins divins. À la fin de sa vie, dans une lettre à André Neher à propos de son livre Dans tes portes Jérusalem, Maritain confie que ce livre rejoint la « méditation sur les voies de Dieu qui ne cessent d’occuper mon pauvre esprit ».Il sera donc moins question, dans ces quelques notes, du long combat de J. Maritain contre l’antisémitisme et de sa lucidité devant la Shoah, que de leurs fondements théologiques. À cet égard, il est sans doute significatif que le titre de la conférence de 1937 au Théâtre des Ambassadeurs, « L’impossible antisémitisme », devienne « Le mystère d’Israël » lorsqu’il est repris l’année suivante (1938) dans Questions de conscience. C’est le même sujet qui est désigné, là du point de vue de la conséquence, ici du point de vue de ce qui en est la raison théologique. Le combat de Maritain contre l’antisémitisme est le fait d’un chrétien, il s’ancre dans une vision théologique d’Israël dégagée peu à peu pour elle-même. Ce qui peut paraître aujourd’hui une perspective évidente — est-ce d’ailleurs bien sûr ? — n’allait pas de soi dans les années 1930, même parmi les chrétiens, même dans les textes issus du magistère de l’Église.