On repère trois moments principaux chez le P. Jean-Hervé Nicolas sur la question de l’enfer, entre 1948 et 1988, soit sur une durée de presque quarante ans. Il est le seul théologien et le seul thomiste français à avoir conduit cette réflexion durant cette longue période où la théologie catholique marque le pas et tourne le dos aux questions relatives aux « fins dernières ». Le but de notre étude est de mettre en lumière les constantes et les inflexions du théologien dominicain, à la diversité de ses formulations, qui manifestent une interrogation toujours en mouvement, faite de reprises, d’approfondissements et d’ajustements.
Les théologiens thomistes lorsqu’ils commentent la Summa theologiae, ou lorsqu’ils traitent des perfections de Dieu, des attributs divins, ne peuvent faire l’impasse sur le difficile rapport de la miséricorde et de la justice divines. C’est même un lieu commun de la théologie scolastique. Or leur conciliation, dans le processus de la connaissance analogique de Dieu, n’est pas simple. L’amour, la miséricorde, la compassion et la tendresse, apparaissent comme les paradigmes théologiques, plus que la justice vindicative, plus que le châtiment du péché, plus que l’idée même de peine qui deviennent incompréhensibles. C’est à ce défi que le P. Nicolas a voulu répondre.On remarque trois moments distincts dans sa réflexion, entre 1948 et 1988, sur une durée d’un peu plus de quarante ans 1. Il est le seul théologien catholique en France et le seul thomiste français à avoir conduit une persévérante réflexion à une époque où la question de l’enfer disparaît, ou presque, de l’horizon théologique. De 1947 à 1958, de 1969 à 1979, et de 1985 à 1988. La période de 1958 à 1969 est une période de transition, qui correspond au moment où sous l’effet des critiques maritainiennes le P. Nicolas modifie sa théologie de la permission du péché (du décret divin permissif), et, par voie de conséquence, la « raison » (ratio) selon laquelle Dieu est dit cause de la peine de la damnation.