Dans la Dispute métaphysique L, Suárez examine, à partir d’un débat avec Aristote et saint Augustin, le rapport ontologique pouvant être établi entre la durée et l’existence. Cette réflexion a pour conséquence d’ouvrir le champ de la métaphysique à une interrogation d’ordre anthropo-théologique sur le corps, la vie et la mort. L’être que nous sommes est dans la réalité sensible identique à la durée qu’il manifeste par le simple fait de perdurer dans l’être. La conception suarézienne de la durée confirme le principe métaphysique selon lequel tout étant existe actuellement par le fait d’être individuel et singulier. Ainsi, l’aptitude à être qualifiant l’étant réel apparaît sous la modalité du possible, ce qui n’est pas dans son oeuvre sans conséquences du point de vue politique et historique.
Dans l’avant-propos de la Dispute métaphysique L consacrée à la question de la durée des choses, Suárez insiste d’entrée de jeu sur le caractère lacunaire de l’interprétation aristotélicienne, au livre IV de la Physique, du prédicat « quand » sommairement identifié au fait « d’être dans le temps », et non susceptible de rendre compte du temps comme expérience ontologique de la durée. Afin de remédier à ces déficiences, il convient selon le Doctor eximius d’adopter un point de vue à prétention universelle, en examinant les durées spécifiques de l’ensemble des choses pour déterminer si le prédicat « quand » est substantiel ou accidentel et dans quelle mesure il constitue un genre spécifique de certains étants. Deux axes principaux de réflexion sur lesquels nous désirerions insister se dessinent pour répondre aux exigences de cette recherche : la détermination de l’essence de la durée, et la constitution d’une ontologie du temps qui n’est pas sans incidences sur les thèses anthropologiques du Tractatus de anima et la compréhension du vivant qui est mise en oeuvre, ainsi que sur les thèses politiques du De legibus et la conception du temps historique qu’il élabore.