Cette chronique maritainienne présente quelques publications récentes concernant Jacques Maritain, son œuvre et ses dialogues avec ses contemporains. En premier lieu, la publication en 2021 des trois volumes de la thèse de Michel Fourcade, Feu la modernité ? Jacques Maritain et les maritainismes ; puis de Sylvain Guéna l’édition complète, en 2016, de la Correspondance 1929-1949, entre Jacques Maritain et Emmanuel Mounier, et l’ouvrage collectif, publié en 2020, dont il avait réuni les contributions, Jacques Maritain et Emmanuel Mounier, Une amitié entre Primauté du spirituel et Esprit, et son livre Maritain ou la libération des vérités captives, Politique et société (2021) ; enfin la correspondance entre le philosophe de Meudon et le penseur russe de Clamart publiée en juin 2022 : Nicolas Berdiaev, Jacques Maritain, Un dialogue d’exception (1925-1948).
C’est une somme sur Maritain (1882-1973) et les maritainismes que publie Michel Fourcade vingt ans après avoir soutenu sa thèse d’histoire à l’Université de Montpellier. Et pourtant cette somme ne couvre que la période 1906-1939, c’est-à-dire l’œuvre de Maritain à partir de sa conversion jusqu’à son départ pour les États-Unis, sans s’interdire toutefois de faire allusion à la jeunesse de Maritain ou à la suite de la carrière de Maritain à New York (1940-1945), puis à Rome (1945-1948), où « le “philosophe interallié” puis l’ambassadeur de France au Vatican [parvint] au faîte de son rayonnement immédiat et [exerça] une influence universelle » (p. 1294). « Resituer cet homme [Maritain] dans ce temps, ressaisir sa pensée en sa part d’incarnation et son climat natif, le suivre dans la compréhension progressive de ce qu’il considérait ncomme sa mission, chercher quel fut l’impact de sa parole » (p. 13), c’est le sens de la recherche de M. Fourcade.
Le questionnement de mon titre [Feu la modernité ?], nous dit M. Fourcade, résum[e] bien la pointe d’une problématique que j’aurais bien voulu prolonger jusqu’au Concile mais que j’avais dû arrêter à la guerre, assez loin cependant pour la justifier : quel que soit le terrain considéré, de son esthétique à sa philosophie politique, en passant par son ecclésiologie, l’effort de Maritain, risqué au « crépuscule » d’un moment de la civilisation, avait tracé l’un des rares chemins praticables dans la sortie désordonnée des « Temps modernes » (p. 8).