Bulletin de philosophie médiévale (I)

Thomas Gay
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2020 - Tome CXX 2020 - Fascicule n°4
2020
677 - 716
Bulletin
métaphysique, Philosophie, Puissance

Résumé

Ce bulletin de philosophie médiévale présente plusieurs publications récentes portant sur des dérivés du concept de puissance : la toute-puissance, le possible et la souveraineté. À partir de l’édition de certains textes philosophiques et de travaux d’histoire de la philosophie, nous montrons l’enjeu du concept de toute-puissance, aujourd’hui sujet à controverse. Ce concept, dans le christianisme médiéval, modifierait en profondeur la métaphysique qui deviendrait alors le lieu d’une violence qu’il faudrait neutraliser par l’abandon de la toute-puissance.

Ouvrages recensés: 

Gwenaëlle Aubry, Genèse du Dieu souverain, Archéologie de la puissance II, « Bibliothèque d’histoire de la philosophie, NS », Paris, Vrin, 2018, 1 vol. de 320 p.

Avicenne (Ibn Sīnā), Commentaire sur le livre Lambda de la Métaphysique d’Aristote, Chapitres 6-10, Édition critique, traduction et notes par Marc Geoffroy, Jules Janssens et Meryem Sebti, « Études musulmanes, 43 », Paris, Vrin, 2014, 1 vol. de 120 p.

S. Thomas d’Aquin, Questions disputées De potentia, Traduction et notes de fr. André Aniorté, o.s.b., introduction du R. P. Battista Mondin, s.x., Le Barroux, Éditions Sainte-Madeleine, 2018, 1 vol. de 1104 p.

S. Thomas d’Aquin, Questions disputées sur la Puissance – De Potentia, I, Questions 1 à 3, Texte latin de l’édition Marietti, Traduction et notes par Raymond Berton, introduction du fr. Emmanuel Perrier, o.p., Paris, Parole et Silence - Les Presses universitaires de l’IPC, 2011, 1 vol. de 400 p.

Kristell Trego, L’Impuissance du possible, Émergence et développement du possible d’Aristote à l’aube des temps modernes, « Études de philosophie médiévale, 108 », Paris, Vrin, 2019, 1 vol. de 364 p.

Emanuele Castrucci, On the idea of Potency, Juridical and theological Roots of the Western Cultural Tradition, « Encounters in Law and Philosophy », Edinbugh, Edinburgh University Press, 2016, 1 vol. de xii-188 p.

Extrait

Celui qui, au sortir d’une situation difficile, affirme « J’ai fait ce que j’ai pu » laisse entendre trois choses. Tout d’abord, il énonce la coïncidence de son action avec sa puissance : il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour agir droitement et entend que son action soit jugée de la sorte. Ceci permet de mettre en lumière un autre aspect de la situation de notre homme : s’il a fait tout ce qu’il a pu, il n’a fait que ce qu’il a pu. Ici, cette assertion laisse entrevoir d’autres actions, sûrement plus adaptées à la situation, qui auraient pu être menées mais qui ne l’ont pas été. Elles sont donc restées à l’état de possibilité. Ces actions, si elles étaient possibles, n’ont pas été menées parce qu’elles n’étaient pas du ressort de notre agent : elles lui étaient impossibles en ce sens qu’elles n’étaient pas en son pouvoir.
Cet énoncé nous met aux prises avec trois concepts : le concept de puissance et ses dérivés, le possible et le pouvoir. Le concept de puissance, dans sa relation à celui d’acte, est l’une des voies de la métaphysique, qu’elle soit aristotélicienne, scolastique, ou, plus largement, occidentale. Preuve en est que, dès Aristote, l’être peut être dit comme puissance aussi bien que comme qualité ou quantité. Ce concept nous retiendra dans la mesure où il semble modifié par la doctrine de la création ex nihilo, laquelle implique de penser une origine à la puissance qui tend vers l’acte autre que la forme. Cette origine, nimbée de mystère, n’est autre que l’un des dérivés, paradoxal, du concept de puissance, la toute-puissance. Celle-ci, tant l’on sait sa centralité au Moyen Âge, méritera toute notre attention, elle qui, bien que propre à la réflexion théologique, prend ses racines dans la métaphysique...