Si le bien est l’origine de tout ce qui apparaît à sa lumière, la question se pose de savoir à quel titre il est origine et quel statut donner à ce qui se diffuse ? Autrement dit, quelle est sa nature de bien en tant que bien ? Suffit-il de le définir comme diffusivum sui pour l’identifier à l’origine de tout ce qui est ? Saint Thomas prend garde de ne pas confondre diffusion et création en soulignant la non-distinction réelle du bien et de l’être. Il n’y a pas à choisir entre l’être et le bien. Parler, comme Emmanuel Lévinas, d’un « Dieu non contaminé par l’être » ou avec Jean-Luc Marion d’un « Dieu sans l’être », conduit nécessairement à se condamner à suspendre le bien dans le rien et à le confondre avec « l’Un qui n’est pas » de la première hypothèse du Parménide de Platon.
L'expression Bonum est diffusivum sui se retrouve rarement sous la plume de saint Thomas dans les textes consacrés à la question du Bien dans la Somme de théologie (q. 5 et 6), dans la Somme contre les Gentils (cap. 37 et 38) ou dans le De veritate (q. 21) et dans le Commentaire des Noms divins de Denys l’Aréopagite. Ysabel de Andia a souligné que cette formule a sa source dans la comparaison faite par Proclus entre le Bien et le soleil qui du « fait d’être le soleil » envoie ses rayons. Elle a montré que, en réalité, cette expression ne se trouve pas telle quelle chez Denys qui exprime l’acte de se diffuser par différents verbes : se répandre, s’étendre ou rayonner. Quel que soit le champ lexical exploré, le sens doctrinal donné à la définition du bien comme diffusion de soi se rattache à celui de procession (πρόοδος) avec lequel il est toujours mis en relation (ἡ ἀγαθοπρεπὴς πρόοδος). Les processions sont les manifestations de la bonté, que Denys nomme aussi des « communications », des « participations » et des « puissances ». À son tour, la procession (πρόοδος, exitus) est reliée à la conversion (επιστρφή, reditus), car le bien est à la fois l’origine de tout ce qui procède de lui et le terme de tout ce qui aspire à lui. Le double mouvement de procession-conversion va donc du bien au bien. Tout procède du bien et tout retourne au bien. Si le bien est l’origine de tout ce qui apparaît à sa lumière, la question se pose de savoir à quel titre il est origine et quel statut donner à ce qui se diffuse ? Autrement dit, quelle est sa nature de bien en tant que bien ? Suffit-il de le définir comme diffusivum sui pour l’identifier à l’origine de tout ce qui est ?