La notion de blasphème chez saint Thomas d’Aquin

Marie de l'Assomption, o.p.
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2020 - Tome CXX 2020 - Fascicule n°3
2020
405 - 430
Article

Résumé

La thématique du blasphème parcourt toute l’œuvre de Thomas d’Aquin, souvent comme exemple de péché d’une particulière gravité, mais aussi en tant qu’objet d’étude en lui-même à trois moments, à propos du deuxième précepte du Décalogue, de la confession de foi à laquelle il s’oppose, et du blasphème contre l’Esprit Saint. La manière dont il traite les deux premiers points met en œuvre certains principes fondamentaux de sa théologie morale, d’abord en ce qu’elle est une morale des vertus et non pas une morale d’obligation, ensuite dans le fait que l’essentiel dans la moralité d’un acte se joue au niveau de l’acte intérieur de la volonté. Quant à l’étude du troisième point, elle illustre comment il se réfère aux autorités anciennes et modernes, et puise aux sources patristiques, grecques et latines. Le traitement du blasphème par l’Aquinate est donc exemplaire de sa méthode théologique.

Extrait

Le blasphème occupe une place relativement importante dans l’œuvre thomasienne — l’index thomisticus indique 667 occurrences du terme et de ses dérivés, employés en 327 lieux —, même s’il s’agit très souvent d’une simple allusion, le blasphème étant cité comme un exemple de péché parmi d’autres. Ainsi, au livre I de l’Écrit sur les Sentences, à la question 2 de la distinction 42 sur la toute-puissance de Dieu, Thomas se demande si Dieu peut tout ce qui est possible à un autre. À la 4e objection qui avançait que Dieu peut faire le mal, puisqu’il est plus louable de s’en abstenir alors qu’on en a la possibilité, et que tout ce qui est louable doit lui être attribué, il répond que « quelque chose est louable pour un être inférieur par sa nature, qui serait blâmable pour un être supérieur, comme le fait d’être féroce est louable chez le chien et le lion, mais blâmable chez l’homme : ainsi aussi, ne pas pécher quand on le pourrait est une louange envers l’homme, mais un blasphème envers Dieu si on le dit de lui ». Mais il est abordé pour lui-même à plusieurs reprises, aussi bien dans les grandes synthèses théologiques que dans les questions disputées, les commentaires scripturaires ou les sermons, ce qui témoigne de l’importance que saint Thomas lui accorde, s’inscrivant ainsi dans une réflexion qui se déploie essentiellement depuis le XIIe siècle, d’où l’intérêt de lui consacrer une étude spécifique.